Le fichier « mes documents » n’est pas personnel

Une question s’est posée concernant les droits et libertés des salariés dans l’entreprise.

L’article L1121-1 du code du travail dispose que : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »

L’article 9 du Code civil dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé »

Un salarié a été licencié pour faute grave pour avoir utilisé son ordinateur professionnel en enregistrant des photos à caractère pornographique et des vidéos de plusieurs salariés prises contre leur volonté.

La cour d’appel a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur au paiement de diverses indemnités à ce titre, puisque selon le constat d’huissier, les fichiers incriminés se trouvaient sur le disque dur de l’ordinateur du salarié dans un dossier intitulé « Mes documents ». Dans ces conditions, leur ouverture faite hors la présence de l’intéressé n’était justifiée par aucun risque ou événement particulier justifiant l’atteinte portée à sa vie privée, et leur découverte ne pouvait justifier un licenciement pour faute grave.

L’employeur a formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Il invoque que les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, de sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé.

Or, les fichiers litigieux, s’ils contenaient des photos et des vidéos personnelles, se trouvaient classés dans un dossier intitulé « Mes documents », sans autre précision permettant de l’identifier comme étant personnel. En jugeant néanmoins que l’employeur n’était pas en droit de les ouvrir hors la présence du salarié, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles précités.

La position de la cour d’appel a amené la cour de cassation a préciser que la seule dénomination « Mes documents » donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel. Aussi, pour protéger l’accès à vos documents dans votre ordinateur professionnel, renommez votre fichier Mes documents en « documents personnels ».

(Cass. soc, 10 mai 2012, n° 11-13.884)

Guillaume PIERRE – Avocat droit du travail

 

2 commentaires

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  1. Bonjour,

    Merci pour cette explication, si je comprends bien, je peux stocker des fichiers à caractère pornographique si je les place dans un dossier « documents personnels ». Mais si j’ai signé une charte d’utilisation de l’internet et des matériels de l’entreprise stipulant que cela était contrôlé et interdit suis-je toujours dans mon droit ? Ou ce document prime.

    Merci.

    Franck

    Ps: Bien sur c’est un exemple, je n’ai jamais regardé des vidéos ou photos cochonnes au travail !

    • Rien n’empêche de stocker des photos pornographiques dans un fichier personnel sauf si effectivement votre employeur vous a fait signer une charte informatique qui limite et interdit l’utilisation de votre messagerie à cet effet.
      Si vous n’avez pas signé cette charte informatique et si le règlement intérieur de l’entreprise ne l’interdit pas, je vous déconseille vivement de consulter ces fichiers sur votre lieu de travail.
      Dans un arrêt du 8 décembre 2009, la Cour de cassation a considéré qu’en l’absence d’usage abusif affectant le travail, la seule conservation de ces fichiers contenant des photos sans caractère délictueux (pédophile) ne constituait pas un manquement à ses obligations. Le licenciement du salarié était donc sans cause réelle et sérieuse.
      Si jamais votre employeur parvient à démontrer que vous utilisez votre ordinateur pour consultez ces photos pendant votre temps de travail, il pourra vous sanctionner en prononçant votre licenciement pour faute.