Une employée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamnation de son employeur au paiement de dommages-intérêts en faisant valoir qu’elle avait été victime de harcèlement moral et de comportements portant atteinte à sa dignité.
Elle a fait l’objet d’un avis d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise par la médecine du travail, mais a été déclarée apte à un travail à son domicile. Elle a finalement été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Elle réclame devant le conseil de prud’hommes :
– des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,
– des dommages-intérêts pour préjudice moral et conditions vexatoires de la rupture.
La Cour d’appel déboute la salarié de ses demandes en considérant que si « l’employeur ne conteste pas avoir tenu à son égard, au cours d’un entretien des propos indélicats aux termes desquels il lui reprochait de dégager des odeurs nauséabondes en évoquant » une gangrène, une incontinence « , ces faits ne justifient pas, à eux seuls, la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur ».
Devant la Cour de cassation elle soulève plusieurs moyens :
1) le salarié qui se prétend victime d’agissements de harcèlement moral doit établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur ; qu’en l’espèce, en relevant pour écarter la présomption de harcèlement moral, les termes de la lettre de réponse de l’employeur qui tentait de justifier son comportement humiliant à l’égard de la salariée lors d’un entretien et en retenant qu’il est impossible de conclure si ces propos ont été proférés avec une volonté de blesser et d’humilier la salariée, ou auraient été seulement maladroits en raison d’un manque de tact, la Cour d’appel a violé les articles L 1154-1 et L 1152-1 du Code du travail.
2) les certificats médicaux mentionnaient un syndrome anxio-dépressif en rapport avec le comportement humiliant de l’employeur et la dégradation des conditions de travail
3) En raison du harcèlement moral dont elle était victime, elle avait fait l’objet d’un avis d’inaptitude à tout poste dans l’établissement par la médecine du travail en raison du danger immédiat pour sa santé en cas de maintien au poste, la médecine du travail la déclarant néanmoins apte à un travail à domicile ;
4) Elle avait produit des attestations qui faisait état du comportement dégradant de son employeur et de ses propos humiliants tenus de manière récurrente.
5) Elle avait fait valoir la dégradation de ses conditions de travail relatives aux locaux en ce qu’elle travaillait dans un bureau de 7 m2 vétuste sans fenêtre et sans accès adapté à son handicap.
6) Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a relevé que l’employeur avait déclaré dans la lettre de licenciement que tous les postes sont pourvus et qu’il est matériellement impossible de créer un poste à domicile dans la mesure où notre activité impose une présence physique dans les locaux de l’entreprise ; qu’il s’évinçait de cette déclaration que l’employeur n’avait pas tenté de transformer le poste de la salariée ni mis en œuvre les mesures qu’impose la loi en matière de reclassement du salarié inapte.
7) en décidant que l’employeur du fait de l’activité et du faible effectif de la société, justifie ne pas pourvoir créer de poste de télétravail sans rechercher si, en réalité, le poste existant de la salariée pouvait néanmoins être aménagé ou si un autre emploi approprié à ses capacités par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail pouvait être proposé à la salariée, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de L. 1226-2 du Code du travail.
8) si un salarié ne peut en principe prétendre au paiement d’une indemnité pour un préavis qu’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter en raison de son inaptitude physique à son emploi, cette indemnité est due en cas de rupture du contrat de travail imputable à l’employeur en raison du manquement à son obligation de reclassement ;
Sans statuer sur les autres moyens, la Cour de cassation annule l’arrêt de la cour d’appel en rappelant que l’atteinte à la dignité de son salarié constitue pour l’employeur un manquement grave à ses obligations.
(Cass. soc, 7 février 2012, n° 10-18686)
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