La promesse de vente sous condition suspensive et l’application de la clause pénale

I. Promesse de vente et condition suspensive d’obtention du prêt

La promesse de vente immobilière (A), ou « compromis » de vente, est l’un des avant-contrats les plus utilisés en matière de vente immobilière. Dans la majorité des cas, une clause prévoyant une condition suspensive y est insérée, dès lors que l’acquéreur ne dispose pas des fonds suffisants pour réaliser l’acquisition : c’est la condition suspensive d’obtention du prêt (B).

A. La promesse de vente immobilière

Il existe une distinction entre la promesse unilatérale et la promesse synallagmatique de vente. Dans le premier cas, un seul contractant s’engage, dans le second, les deux cocontractants ont des obligations réciproques. Le vendeur s’oblige à vendre le bien, l’acquéreur à l’acheter. De plus, au sens de l’article 1589 du Code civil, la promesse de vente « vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ». Dès lors, si les parties ne font pas de la réitération du « compromis » par acte notarié un élément constitutif de leur consentement, la vente est parfaite et elle peut faire l’objet d’une demande en réalisation forcée. Ainsi le transfert de propriété peut-il être forcé par le juge.
A contrario, les juges peuvent considérer que les éléments indiqués dans la promesse ne font état d’aucune vente, celle-ci ne prévoyant la vente qu’au jour de la signature de l’acte authentique. De la même façon, les juges du fond ont pu estimer que les parties ont entendu faire de la signature de l’acte authentique la condition même de leur engagement et déclarer à bon droit la vente caduque, faute de rédaction d’un acte authentique.
Les juges considèrent aussi que le bénéficiaire d’une promesse de vente, qui accepte l’offre le jour de son émission, donne à cette promesse un caractère synallagmatique et, de ce fait, vaut vente, l’accord portant in fine sur la chose et sur le prix. La promesse unilatérale peut donc se transformer en promesse synallagmatique et par conséquent valoir vente.
La réitération par acte authentique est donc une simple formalité lorsque la promesse vaut vente. De ce fait, la capacité juridique du vendeur ou de l’acquéreur doit être appréciée au moment de la signature de la promesse et non lors de la signature de l’acte authentique.
En l’espèce, un « compromis » a été signé par les parties sans que la réitération par acte authentique soit un élément constitutif du consentement.Ainsi, a priori, la vente était parfaite. Néanmoins, la promesse de vente peut comprendre un certain nombre de clauses particulières et négociées par les parties. En l’espèce, la promesse signée par les parties prévoyait une clause incluant une condition suspensive : celle de l’obtention d’un prêt bancaire.

B. La condition suspensive d’obtention de prêt

Les promesses synallagmatiques de vente comportent parfois des clauses spéciales résultant des particularités de la vente. Parmi ces clauses spéciales, souvent, lorsque le vendeur ne dispose pas des fonds suffisants permettant l’acquisition du bien immobilier, il est prévu une clause incluant une condition suspensive.
Ainsi, la vente est réalisée à condition que l’événement prévu arrive. L’ancien article 1175 du Code civil dispose que la condition doit être remplie de la manière que les parties ont « voulu et entendu qu’elle fût ».
Parfois, un acquéreur n’entend acheter un bien qu’à la condition qu’il vende lui-même son bien immobilier. Dans d’autres cas, la condition est l’obtention d’un prêt bancaire. Ainsi, l’acquéreur ne s’engage que s’il obtient le prêt auprès d’une banque. Si la banque refuse d’accorder le prêt, l’acheteur n’est pas engagé. Cette solution est logique, un acheteur n’ayant pas les liquidités suffisantes ne peut dès lors s’engager à acquérir l’immeuble objet de la vente.
L’ancien article 1176 du Code civil prévoit que, lorsqu’une obligation est contractée sous la condition suspensive qu’un événement arrivera dans un temps fixé, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé. Dans les promesses synallagmatiques de vente, il est prévu un délai pour que l’acquéreur puisse obtenir le prêt. À défaut de l’obtention de celui-ci, la défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité de la vente. La vente n’aura donc pas lieu.
Les clauses prévoyant l’obtention d’un prêt prévoient, en général, des conditions particulières tenant au prêt : le taux d’intérêt, éventuellement, l’établissement auprès duquel le prêt sera sollicité ou la nécessité de prouver que des démarches ont été entreprises dans le but d’obtenir le prêt auprès de plusieurs établissements financiers.
Si part exemple la clause prévoit que le taux d’intérêt du prêt sollicité serait de 2 % maximum. Cette clause étant négociée par les parties, il convient que le futur acquéreur respecte les conditions prévues au contrat. L’acquéreur n’ayant pas obtenu le prêt, il considère que la condition a défailli et qu’il n’est donc pas engagé : la vente est caduque.
Lorsque le vendeur assigne son cocontractant pour faire dire qu’il n’avait pas satisfait à ses obligations contractuelles visées au « compromis » et que la condition suspensive tenant à l’obtention du prêt doit être considérée comme réalisée, la cour d’appel refuse de faire droit à sa demande, elle considère que la vente est tout simplement caduque, la condition ayant défailli.
Ce n’est pas la conclusion de la Cour de cassation qui considère qu’il y a lieu d’appliquer l’article 1304-3 du code civil : « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement ».

 

II. La mise en œuvre de la clause pénale et l’application de l’article 1304-3 du Code civil

la Cour de cassation entend permettre la mise en œuvre de la clause pénale (B) en cas d’instrumentalisation de la clause suspensive d’obtention de prêt, sur la base de l’article 1304-3 du Code civil (A).

A. L’instrumentalisation de la clause suspensive d’obtention de prêt et l’application de l’article 1304-3 du Code civil

Les clauses suspensives d’obtention de prêts bancaires peuvent être instrumentalisées. En effet, il arrive qu’un futur acquéreur qui s’est engagé à mettre tout en œuvre pour obtenir un prêt bancaire, décide par la suite de ne pas donner suite à la vente. Peut-être ne désire-t-il plus acquérir l’immeuble ou plus au même prix ?
Quelle que soit la raison, il peut être utile de faire refuser le prêt par l’établissement bancaire pour éviter toute mise en œuvre de la clause pénale. En l’espèce, c’est ce que soutient le demandeur à l’action. En effet, selon lui, l’acquéreur n’a pas mis tout en œuvre pour l’obtention du prêt bancaire sollicité. Notamment, la demande faite auprès de l’établissement financier prévoyait un taux inférieur à celui stipulé au contrat, puisque l’acquéreur demandait un prêt au taux de 1,50 % alors que celui prévu au contrat était de 2,50 %.
Selon l’ ancien article 1178 du Code civil, fondement sur lequel la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel, la condition est réputée accomplie « lorsque c’est le débiteur, obligé par cette condition, qui en a empêché l’accomplissement ».
Ainsi, s’il est démontré que l’inaccomplissement de la condition est du fait de celui qui s’est engagé, elle est réputée être accomplie.
Dès lors, les juges doivent en tirer toutes les conséquences. La Cour de cassation a déjà montré, notamment dans un arrêt rendu dans sa première chambre civile en date du 13 novembre 1997, qu’il appartient à l’emprunteur de démontrer qu’il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies par la promesse de vente. La charge de la preuve appartient donc à l’emprunteur qui s’est engagé dans la promesse de vente.
Dans ces démarches, il doit respecter les termes du contrat. Ainsi, plus la clause est précise et claire, plus le contractant devra fournir des efforts pour permettre l’accomplissement de la condition suspensive. Si la promesse oblige à présenter plusieurs demandes de prêt, le futur acquéreur aura l’obligation de montrer qu’il a accompli toutes les diligences nécessaires.
La Cour de cassation a précisé, a contrario, qu’une seule demande conforme suffit, si le contrat ne prévoit pas le contraire. La décision de la cour d’appel est donc censurée par la Cour régulatrice car, passant outre les termes mêmes du contrat, elle a simplement considéré que la demande de prêt sollicitée par le futur acquéreur n’était pas « fantaisiste ».
Or, selon la Cour de cassation, les termes du contrat n’ont pas été respectés et il existe donc une faute de la part du futur acquéreur. Pour elle, l’ancien article 1178 du Code civil et le nouvel article 1304-3 du code civil trouve son application dans ce cas précis, car l’emprunteur a empêché l’accomplissement de la condition suspensive et donc, par principe, elle est réputée accomplie.
En définitive, c’est donc le futur acquéreur qui a empêché la réalisation de la vente, il convient donc d’appliquer la clause pénale introduite dans la promesse de vente.

 

B. La mise en œuvre de la clause pénale de la promesse de vente

Les promesses unilatérales de vente prévoient souvent une indemnité d’immobilisation constituant le prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire.
Cette indemnité est acquise au promettant en cas de non-réalisation de la vente. Dès lors, les juges ne peuvent l’écarter au motif que le promettant ne justifie d’aucun préjudice résultant pour lui de la nécessité de rechercher un nouvel acquéreur, étant établi qu’il renonce à la vente.
Les promesses synallagmatiques prévoient souvent un dépôt de garantie qui est restitué à l’acquéreur en cas de non-réalisation de la vente.
De plus, les promesses synallagmatiques de vente peuvent prévoir une clause pénale. Une clause pénale est, au sens de l’article 1152 du Code civil, une clause contractuelle qui prévoit une somme à payer par un des contractants à l’autre, à titre de dommages-intérêts, en cas de manquement à l’exécution dudit contrat. Cette somme est fixée d’avance mais peut être modulée par le juge si elle est « manifestement excessive ou dérisoire ».

La Cour de cassation a eu à préciser qu’une telle clause est une sanction contractuelle du manquement d’une partie à ses obligations et, dès lors, elle s’applique du seul fait de cette inexécution, sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice par le créancier.
Une telle clause est introduite dans les promesses de vente pour dissuader les cocontractants de faire obstacle à la réalisation de la vente. La Cour de cassation a par ailleurs précisé que la stipulation d’une promesse de vente d’immeuble conclue sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt, selon laquelle, si le défaut d’obtention du prêt résulte de la faute de l’acquéreur, le dépôt de garantie versé par celui-ci restera acquis au vendeur, est improprement qualifiée d’indemnité d’immobilisation car ayant pour objet de faire assurer par l’acquéreur l’exécution de son obligation de diligence, elle constitue une clause pénale. Ainsi, la Cour a requalifié une stipulation du contrat en clause pénale.
Pour mettre en œuvre la clause pénale, il est nécessaire d’apporter la preuve d’une faute ou d’une défaillance de l’obligé. Dans le cas précis des ventes sous condition suspensive d’obtention du prêt, la Cour de cassation a déjà considéré que le fait de ne pas avoir respecté les termes du contrat en ayant demandé un prêt supérieur à celui prévu est constitutif d’une faute. Elle a néanmoins apporté une précision supplémentaire en considérant que l’emprunteur n’avait pas commis de faute en sollicitant un prêt non conforme aux stipulations du contrat, dès lors que la banque lui aurait, de toute façon, refusé le prêt en raison de l’insuffisance de ses capacités financières.
En l’espèce, la Cour considère que le fait de ne pas avoir respecté les termes du contrat, en sollicitant un prêt à un taux sensiblement plus bas que celui prévu, constitue une faute qui a empêché, a priori, la réalisation de la condition.
De ce fait, la clause pénale peut trouver application. Sans avoir à rechercher la réelle volonté du futur acquéreur, il peut paraître plausible qu’il ait sollicité un prêt difficile à obtenir pour ne plus être engagé par la promesse. Ce qui semble acquis, c’est que la Cour de cassation entend garantir le respect de « la loi des parties » et entend ne pas permettre que l’ancien article 1178 du Code civil reste lettre morte. Il s’ensuit que les promesses de contrat doivent être toujours plus précises. Les conditions suspensives, notamment celles concernant l’obtention d’un prêt, nécessitent une rédaction détaillée.
De cette manière, le juge n’aura qu’à vérifier, le cas échéant, si l’emprunteur a respecté diligemment les termes du contrat, pour déterminer s’il y a lieu ou non de mettre en œuvre la clause pénale.

2 commentaires

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  1. bonjour

    Est ce qu’un indivisaire acheteur peut se retracter d’une vente si le dossier se retrouve en Cour D’Appel due a des clauses non suspensive ( Manque des assurances Dommage Ouvrages et réception des travaux d’une maison de moins de 10 ans) pas acter par les Vendeurs et la totalité des fonds tenue par le notaire aujourd’hui. Mon coindivisaire (Quote part 50 %) veut se désister de la vente en cours d’appelle. Mais moi. non .

    1. A t-il le droit ?
    2. Quel est mon recour ?

    Merci

  2. Bonjour
    J’ai signé une promesse de vente mais le notaire n’a pas rédigé les conditions suspensives.
    Je n’ai pourtant pas renoncé à cette protection.
    Je n’obtiens pas le crédit relai par les banques.
    Je devais vendre mon appartement pour acheter un bien mais la vente ne se fait pas.
    Je voudrais votre avis sur la situation.
    En vous remerciant.
    Cordialement