La réception des travaux

La réception des travaux est définie par l’article 1792-6, alinéa 1er du Code civil, comme étant « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve », en ajoutant : « Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement »
L’article 1792-6 du Code civil n’est pas d’ordre public et les parties sont donc libres d’en modifier le contenu et la portée dans les marchés de travaux qui les unissent.

I. Les différentes formes de réception des travaux

 

A) La réception des travaux expresse (réception contradictoire).

C’est la forme habituelle de la réception, qui nécessite le respect du contradictoire.

Quand les travaux sont entièrement achevés, le maître d’œuvre convoque le maître d’ouvrage et l’entreprise pour signer le procès-verbal de réception (quitus du maître d’ouvrage), qui peut être assorti de réserves.
La jurisprudence admet que la signature formelle de l’entrepreneur sur le procès-verbal de réception n’est pas obligatoire, dès lors que sa participation aux opérations de réception ne fait pas de doute puisqu’il y était présent.
En cas de tranches successives de travaux, faisant l’objet de réceptions distinctes, chaque date de réception fait courir un délai décennal distinct.
La réception sans réserve des travaux dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), même prononcée en présence de l’acquéreur (qui prend livraison de son bien) et du syndic de copropriété est sans effet sur l’obligation de délivrance conforme du vendeur aux stipulations contractuelles : livraison et réception ne se confondent pas.
La réception sans réserve prononcée par le vendeur en l’état de futur achèvement, est sans effet sur les vices apparents à l’égard de l’acquéreur. Le vendeur reste tenu de livrer un immeuble conforme aux stipulations contractuelles et exempt de vice.

B) La réception peut être tacite (réception non formalisée et non prévue par la loi).

 

Elle est alors prononcée par le juge qui doit la dater mais l’indication d’une date précise n’est pas exigée, une simple période est suffisante et ce à la demande de la partie qui y a intérêt.
Le juge forge sa conviction sur plusieurs critères cumulatifs : prise de possession de l’ouvrage et paiement des travaux (ou restitution de la caution substituée à la retenue de garantie et repli du matériel (s’il n’y a pas eu abandon de chantier), qui traduisent la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de réceptionner l’ouvrage (achevé ou inachevé s’il y a abandon de chantier).
Mais il n’y a pas volonté non équivoque du maître d’ouvrage d’accepter l’ouvrage, et dès lors il n’y a pas réception tacite, dans les hypothèses suivantes :
— s’il n’y a pas eu prise de possession effective des lieux par le maitre de l’ouvrage (lui permettant de se rendre compte de l’état de l’ouvrage et de formuler le cas échéant des réserves) ;
— s’il est constaté que l’immeuble est entièrement achevé, mais un relevé des travaux exécutés est alors nécessaire;
— pour le constat de son habitabilité, puisque cette réception peut s’appliquer à un ouvrage inachevé ;
— si l’immeuble n’est pas en état d’être reçu, puisque cette réception peut s’appliquer à un ouvrage inachevé ;
— de même, une prise de possession des lieux, suivie d’une demande d’expertise ne caractérisent pas une volonté non équivoque du maître d’ouvrage d’accepter l’ouvrage avec réserves ;
— de même, un document signé par les deux parties sur lequel est formulée une liste de réserves et l’accord du maître d’ouvrage de voir l’entrepreneur les reprendre, s’il a refusé de payer le solde du prix.
D’où les difficultés pour le juge de la prononcer avec indication d’une date précise, car elle ne résulte pas d’une constatation d’un expert.
Elle rétroagit à la date ou époque retenue et de ce fait, elle purge les désordres apparents et marque le point de départ de la garantie décennale.
Mais quelle date alors privilégier ? Celle du paiement complet des travaux réalisés ? Celle de la prise de possession ou encore la date du constat en cas d’abandon de chantier ? D’où de nouveaux débats judiciaires, si cette jurisprudence devait se pérenniser.

C) La réception des travaux judiciaire :

 

Elle peut être judiciaire, (réception forcée, prévue par la loi).

Elle est prononcée par le juge, éventuellement après une mesure d’expertise, à la demande d’une des parties au contrat de louage d’ouvrage et après mise en demeure, quand l’ouvrage est en état d’être habité et reçu, même avec des réserves (si néanmoins l’immeuble peut être mis en service et que les réserves ne mettent pas en cause sa solidité et sa pérennité et rétroagit dans tous ses effets à la date retenue, en purgeant les désordres alors apparents.
Le demandeur doit obligatoirement indiquer dans ses écritures la date à laquelle il estime que l’ouvrage est en état d’être reçu (c’est-à-dire habitable), ou la date à laquelle les travaux ont été arrêtés (abandon de chantier).
En cas de contestation sur la date de la réception, le juge ne peut, sans modifier l’objet du litige, décider de prononcer la réception judiciaire de l’ouvrage, alors qu’il n’était saisi d’une demande de fixation de la date de réception tacite.

 

II. Les effets de la réception des travaux

 

La réception des travaux comme point de départ des garanties légales :

— garantie de parachèvement d’un an, due par l’entrepreneur seul (C. civ., art. 1792-6, al. 2), qui n’est pas exclusive des garanties ci-après énoncées ;
— garantie de bon fonctionnement de deux ans minimums, due par les constructeurs et éventuellement leurs assureurs, pour les désordres affectant les éléments d’équipement dissociables (C. civ., art. 1792-3) ;
— garantie décennale due par les constructeurs et leurs assureurs, pour les désordres qui portent atteinte à la solidité ou à la destination de l’ouvrage (C.civ., art. 1792 et 2270).
L’assureur en RCD qui n’est pas partie au marché de travaux, est néanmoins recevable, sous certaines conditions, à contester la validité de la réception qui engage sa garantie, par exemple si elle a été prononcée en fraude de ses droits.
— ainsi que de la responsabilité contractuelle de droit commun (C. civ., art. 1147) et de la responsabilité quasi-délictuelle (art. 1382), auxquelles peuvent être tenus les constructeurs, s’ils sont ou non liés au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, avec éventuellement la garantie de leurs assureurs respectifs, si une assurance spécifique a été contractée et si la réception a été prononcée), et pour autant que le dommage ne soit pas apparent lorsqu’elle intervient sans réserve, c’est-à-dire qu’il se soit révélé dans toute son ampleur et ses conséquences 36 ou encore ne relève pas d’une technicité échappant à un profane.

Elle transfère sur le maître d’ouvrage, les risques susceptibles d’affecter l’ouvrage.

(si l’entreprise a fourni la matière c’est-à-dire les matériaux), indépendamment de la question de sa propriété et permet à l’entrepreneur — quand elle est prononcée sans réserve — d’être payé du montant de ses travaux.
Elle permet — toujours quand elle est prononcée sans réserve — de libérer la retenue de garantie (contractuellement prévue), sur les sommes restantes dues à l’entreprise ou (quand elle est assortie de réserves), de mobiliser cette garantie plafonnée à 5 %, pour garantir leurs reprises, à l’exclusion de frais annexes.
Si la retenue de garantie n’est pas contractuellement prévue au marché, le solde du prix des travaux est dû à la réception prononcée sans réserve (pour des travaux inachevés).
En cas d’abandon de chantier, la retenue de garantie — contractuellement prévue, ou la caution solidaire qui lui est substituée — ne peut être mobilisée, puisque les travaux ne sont pas réceptionnés. Elle ne constitue pas en effet, une garantie de bonne fin du chantier.

Elle permet également (sous certaines conditions), de libérer le garant d’achèvement (VIC), ou de livraison à prix et délais convenus (CCMI), conformément aux dispositions (d’ordre public) des articles L. 231-6-IV, L. 231-8 et R. 264-24 du Code de la construction et de l’habitation.
Ainsi le garant de livraison qui a exécuté son obligation d’achèvement en application de l’article 231-6 du Code de la construction et de l’habitation, n’est pas tenu des désordres apparus après réception de la construction, car il n’est pas un constructeur.
Dans les marchés de travaux publics, quand elle est prononcée sans réserve, elle met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et les constructeurs, en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage, sauf convention particulière contraire, mais cette responsabilité contractuelle subsiste pour les manquements au devoir de conseil des maîtres d’œuvres lors de la réception des travaux (désordres non signalés au maître d’ouvrage lors de la réception), ou encore pour les conséquences financières nées de l’exécution des travaux et cela jusqu’à l’établissement du décompte général définitif, par exemple les coûts consécutifs à des retards ou à des travaux supplémentaires. C’est donc dire toute l’importance de la réception dans le droit de la construction et des assurances applicables

Un commentaire

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  1. Bonjour, madame, monsieur, monsieur vigara Grégory,je me permets de vous écrire pour vous faire part d’une problématique. Avec ma femme on a fait construire une maison par une coopérative d’artisans et en août dernier on a signé les papiers et on nous a remis les clés. Derrière nous avons payé les 5 pour cent de la somme totale pour régler le solde de la construction de la maison. En date du 24/04/2020 on reçoit un mail de la société de construction nous disant qu’il manque 35000 euros. Après vérification et preuve de ma bonne foi,il s’avère que la banque n a donné suite à l’ordre de paiement des dit 35 000 euros du fait que la pièce était inexploitable. Malgré ça ils ne m’ont jamais appelé pour me signifier manière que je relanceela procédure. En somme suis je obligé de payer les 35000 EUR en question où est ce ayla banque de le faire. En vous remerciant par avance.