Refus du concours de la force publique : quelle indemnisation de l’Etat ?

Cet arrêt du Conseil d’Etat intéressera tout particulièrement les propriétaires, bailleurs, ayant obtenu un jugement d’expulsion mais se heurtant au refus du préfet d’accorder le concours de la force publique pour l’exécution de cette décision.

Les faits sont très simples : une société a fait l’acquisition d’une maison près d’Aulnay-sous-Bois, pour la revendre après sa rénovation et ainsi bénéficier du régime spécial des achats effectués en vue de la revente, prévu par l’article 1115 du code général des impôts.

Pour bénéficier de ce régime spécial, le propriétaire devait revendre la maison dans un délai de quatre ans.

La maison étant occupée illégalement, le propriétaire a dû d’abord obtenir du Tribunal d’instance un jugement d’expulsion. Une fois ce jugement obtenu, l’expulsion ne peut être mise en pratique par l’huissier qu’en obtenant de la préfecture le concours de la force publique.

La réquisition du concours de la force publique signifie que la préfecture va étudier le dossier de l’occupant sans droit ni titre afin de savoir s’il autorise ou non son expulsion avec les forces de police.

Or, en l’espèce, le Préfet refuse d’accorder au propriétaire le concours de la force publique. Ces refus sont fréquents et sont liés dans la plupart des cas à des considérations sociales liées à l’âge, au surendettement du fait de crédits à la consommation, à la présence d’enfant en bas âge ou à un handicap.

Sans difficulté, le Tribunal administratif puis le Conseil d’Etat considèrent que ce refus de concours de la force publique engage la responsabilité de l’état. Reste à savoir quels sont les préjudices du propriétaire ? Le Conseil d’Etat répond à la question et en distingue trois :

  • Le préjudice résultant de la privation de jouissance : c’est le plus évident, le propriétaire se trouve donc indemnisé de la perte de jouissance résultant des carences de l’Etat ;
  • Le préjudice résultant de la perte de frais engagés auprès d’un architecte pour obtenir des autorisations d’urbanisme : le permis de démolir et le permis de construire étaient valables et l’expiration de ces autorisations est intervenue durant la période de responsabilité de l’Etat ;
  • Le préjudice résultant de la perte d’un avantage fiscal : n’ayant pu revendre la maison dans le délai de quatre ans en raison de l’inertie de l’administration, le propriétaire a fait l’objet d’une rectification fiscale. Il ne pouvait vendre le bien occupé irrégulièrement sans renoncer au bénéfice qu’il escomptait d’une revente après rénovation et doit donc être indemnisé par l’état.

 

(CE 13 décembre 2013 n°354807)

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