Troubles de voisinages causés par son locataire et la responsabilité du bailleur

Attention, propriétaire, copropriétaire et bailleur, vous êtes responsables l’égard des tiers des agissements de votre locataire.

Selon le principe « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». La Cour de cassation considère depuis longtemps que : « la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble donné en location peut en demander réparation au propriétaire ». (Cass. civ. 3e, 17 avril 1996, D. 1996, I.R. p. 133, J.C.P. éd. N, 1996, II, p. 1517.)

La Cour affirme ainsi que le propriétaire est bien débiteur de l’obligation de voisinage. « Lorsque le trouble de voisinage émane d’un bien immobilier donné en location, la victime de ce trouble peut en demander réparation au propriétaire qui dispose d’un recours contre son locataire lorsque ces nuisances résultent d’un abus de jouissance ou d’un manquement aux obligations du locataire ».

L’obligation de voisinage incombe à la fois au bailleur et au locataire. Depuis longtemps, le bailleur est considéré comme l’adversaire naturel et légal du locataire troublé par un autre locataire, car le trouble causé par un locataire est lié à l’exercice d’un droit que le bailleur a lui-même conféré (Req., 16 novembre 1881, S. 1882. 1. 225).

Il n’est pas nécessaire de prouver le fait personnel ou que le dommage provienne d’un vice de l’immeuble. C’est une sorte de garantie car le propriétaire peut se retourner contre son locataire Mais le locataire est aussi tenu à l’égard de ses voisins : les obligations qui lui incombent en vertu du bail ne l’exonèrent pas de sa responsabilité à l’égard des colocataires qui peuvent agir directement contre lui. Ainsi, la responsabilité incombe tantôt au bailleur tantôt au locataire selon que le dommage provient plutôt de la disposition des lieux (fumées dues à l’absence de moyen de chauffage correct) ou plutôt du comportement du locataire (odeurs de cuisine).

Mais est- ce que le bailleur peut s’exonérer de toute responsabilité à l’égard des voisins en transférant par une clause du bail l’obligation de voisinage et la mise en conformité des locaux ? La réponse est non : le bailleur reste responsable du préjudice causé par son locataire même s’il a mis à la charge de celui-ci l’obligation de voisinage et les travaux d’isolation phonique.

La solution est tout à fait conforme aux principes du droit des obligations : la cession de dette n’est pas admise en droit français. Le débiteur – ici le bailleur – d’une obligation, délictuelle ou contractuelle, peut la céder avec le contrat, mais, sans l’accord du créancier – le voisin – cette cession ne saurait le libérer de son obligation.

Il faut en déduire que les clauses du bail sont inefficaces pour exonérer le bailleur de son obligation de voisinage. Le bailleur reste tenu de réparer non seulement les troubles causés aux voisins par les installations du fonds mais aussi ceux qui résulteraient des activités personnelles même abusives de son locataire.

Les stipulations du bail ne sont cependant pas inutiles : elles donnent au bailleur un recours contre son locataire, et lui permettent aussi d’invoquer l’inexécution du contrat pour résilier le bail et ainsi faire cesser le trouble de manière radicale. Il convient de rappeler que ce droit à résiliation du bailleur peut être exercé par la voie de l’action oblique par les voisins eux-mêmes.

Le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » est de plus en plus sollicité par les victimes de troubles de voisinage. La responsabilité pour trouble anormal de voisinage présente l’originalité d’être une responsabilité objective caractérisée par la seule constatation d’un préjudice dépassant le seuil des inconvénients normaux de voisinage indépendamment de toute faute de l’auteur du trouble.

Les tribunaux condamnent toujours le bailleur en retenant d’une part que les nuisances sonores largement supérieures à la moyenne autorisée constituent pour la victime un trouble grave excédant les inconvénients normaux de voisinage. Elle ajoute d’autre part que les propriétaires défendeurs connaissaient ces nuisances mais ne faisaient rien et qu’ils ne s’assuraient pas que leur locataire respectait les obligations souscrites dans le contrat. La Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel qui a décidé à bon droit qu’indépendamment de toute faute de leur part, les propriétaires étaient tenus d’en réparer les conséquences dommageables subies par un tiers.

On regarde ainsi le comportement fautif du propriétaire-bailleur :

La Cour de cassation retient que la Cour d’appel a souverainement apprécié l’existence de troubles anormaux du voisinage et « a décidé à bon droit que, indépendamment de toute faute de leur part, les propriétaires étaient tenus d’en réparer les conséquences dommageables subies par un tiers ». La Cour de cassation confirme que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité objective : elle est caractérisée lorsque le trouble anormal de voisinage est constaté par les juges du fond (en l’espèce l’intensité et la durée du bruit). La prise en considération d’une faute, élément subjectif, n’a pas à être retenue comme condition de mise en jeu de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage. La faute ne doit être admise que lorsque la responsabilité est engagée sur le fondement de l’article 1382 ancien du Code civil, fondement distinct de celui de la responsabilité pour trouble de voisinage.

Ensuite qui doit réparer le trouble anormal de voisinage : l’auteur du trouble ? le propriétaire des lieux à l’origine de celui-ci ? ou les deux ? Depuis sa création, la jurisprudence oscille entre ces deux fondements. Toutefois, la jurisprudence récente, sans doute dans un souci d’uniformisation, semble favoriser un fondement réel à la responsabilité pour trouble anormal de voisinage.

La Cour de cassation retient la responsabilité du propriétaire de l’immeuble dans lequel le trouble de voisinage trouve « son origine ». Cet arrêt se fonde sur le droit réel du propriétaire sur le bien pour engager sa responsabilité.

La Cour de cassation retient la responsabilité du propriétaire pour les troubles de voisinage causés même par son sous-locataire, personne non liée par un contrat avec le propriétaire.

Force est de constater que titulaire d’un droit de propriété sur l’immeuble à l’origine du trouble anormal de voisinage, le propriétaire reste responsable en priorité des troubles de voisinage, peu importe l’auteur de celui-ci : le locataire ou tiers au contrat de location comme le sous-locataire ou un occupant sans titre.

La systématisation de cette solution pourrait paraître injuste pour les propriétaires, responsables en priorité pour les troubles de voisinage. Toutefois, il faut rappeler que si vous êtes propriétaire responsable du fait d’autrui dans un premier temps, vous pourrez exercer une action récursoire contre l’auteur du trouble, locataire, colocataire ou sous locataire.

Un commentaire

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  1. J’ai une question relative à une acquisition que j’envisage d’un bien loué et qui me semble suroccupé (35 m2 + 8 m2 de logia vitré transformé en chambre) occupé par une dame, son compagnon ne figurant pas sur le bail et 2 enfants ado sans compter un chien assez gros (labrador) et un chat !

    On est loin du bien occupé bourgeoisement selon la formule un peu désuette utilisée dans les réglements de coproriété !

    Puis-je voir ma responsabilité engagée avec obligation de relogement alors que je n’ai pas signé le bail ? Une clause particulière mentionnant la garantie par le vendeur de ce risque peut elle se négocier valablement ?

    Cordialement,

    Cedric