C’est l’absence de dépôt de ces comptes qui permet au Tribunal de commerce de déterminer les entreprises susceptibles de relever de la loi de sauvegarde. En effet, la majorité des entreprises ayant fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire n’avaient pas déposé leurs comptes dans les deux années précédant l’ouverture de la procédure collective. C’est pourquoi, la loi NRE du 15 mai 2001 a créé une injonction de faire sous astreinte.
Ainsi, l’article L 232-23 du Code de commerce dispose que :
« Toute société par actions est tenue de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée générale des actionnaires ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique :
1° Les comptes annuels, le rapport de gestion, le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes annuels, éventuellement complété de leurs observations sur les modifications apportées par l’assemblée aux comptes annuels qui ont été soumis à cette dernière ainsi que, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés et le rapport du conseil de surveillance ;
2° La proposition d’affectation du résultat soumise à l’assemblée et la résolution d’affectation votée »
L’article 123-5-1 du code de commerce dispose :
« A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires. »
C’est sur le fondement de ces deux articles qu’un ancien salarié opposé à son ex-employeur devant le conseil de prud’hommes a saisit par l’intermédiaire de son avocat le Juge des référés du Tribunal de Commerce afin qu’il soit enjoint aux dirigeants de la société par actions simplifiée, de procéder au dépôt au registre du commerce et des sociétés des comptes annuels ainsi que des autres documents visés au 1° du premier de ces textes.
La Cour d’appel accueille la demande d’injonction de faire de l’ancien salarié.
Pour s’opposer à cette décision, les dirigeants font valoir devant la Cour de cassation que
– l’action du salarié n’était pas de faire respecter les obligations légales pesant sur les dirigeants d’une personne morale, mais de se procurer des pièces comptables qu’il voulait utiliser contre son ex-employeur dans l’instance prud’homale et dont il aurait pu tout aussi bien obtenir la communication dans le cadre de cette instance, ne répondait pas à un intérêt juridique légitime.
– l’action avait « pour seul intérêt la sécurisation de percevoir une éventuelle condamnation prud’homale de son ex-employeur, n’avait plus d’intérêt légitime à ce qu’il soit fait injonction de déposer ses comptes au registre du commerce, dès lors que lui était directement communiqué la cotation Banque de France de la société qui l’assurait de sa parfaite solvabilité.
– préalablement à la saisine du président du tribunal de commerce de sa demande tendant à ce qu’il soit fait injonction à la société de déposer des pièces comptables au registre du commerce et des sociétés, le salarié ne lui a pas adressé de mise en demeure de régulariser la situation.
Mais la Cour ne suit pas cette argumentation puisque l’action tendant à assurer l’accomplissement des formalités de publicité incombant aux sociétés commerciales en application des dispositions de l’article L. 232-23 du code de commerce est, sauf abus, ouverte à toute personne, sans condition tenant à l’existence d’un intérêt particulier.
(Cass. com, 3 avril 2012, n° 11-17130)
Guillaume PIERRE – Avocat à la Cour